Savoir être et savoir faire : le juste équilibre pour le recrutement d'un commercial
09 Novembre 2023
Interview Romain Chapuis, Consultant Senior Sales & Marketing chez Adsearch
Quelle est pour vous la bonne définition du savoir-faire ?
Le savoir-faire correspond à l’ensemble des compétences nécessaires pour mener à bien une mission. On parle ici plutôt d’éléments factuels, liés à l’apprentissage (pratique ou théorique).
Pourriez-vous nous donner un exemple de savoir-faire pour un poste de commercial ?
Il y a par exemple : savoir mener une négociation, suivre un portefeuille client, etc. des compétences qui s’acquièrent en pratiquant le métier. Nous pouvons aussi évoquer la technicité propre à un type de produit, notamment dans un environnement industriel qui va nécessiter une certaine expertise technique par exemple.
Quelle est pour vous la bonne définition du savoir-être ?
Le savoir-être est l’ensemble des qualités personnelles nécessaires, qui, à mon sens, sont plutôt innées même si certaines peuvent s’acquérir ou se développer.
Pourriez-vous nous donner un exemple de savoir-être pour un poste de commercial ?
Je peux citer quelques savoir-être principaux : l’écoute (active), qui est indispensable pour un profil commercial, la bonne communication, l’aisance relationnelle…
Quelles sont les différences entre savoir faire et savoir être ?
Le savoir-faire est quelque chose d’assez factuel, il peut se lire sur un CV (ou presque), on va parler ici de compétences clés. Si l’on reste dans le domaine commercial, cela peut être la maitrise des techniques de ventes, de prospection par exemple. Le savoir-être va nécessiter une interprétation, une évaluation par le recruteur : le candidat a-t-il cette capacité d’écoute active ? Est-il doté d’un bon relationnel ?
Savoir différencier et évaluer les deux, c’est à mon sens, l’une des valeurs ajoutées d’un cabinet de recrutement. Nous avons l’habitude de recruter, nous sommes, chez Adsearch, hyper-spécialisés par type de métiers, et nous avons donc la capacité à « déchiffrer » ces éléments de compétences et de personnalité (même si cela n’est pas une science exacte).
Quelles sont les dénominations couramment utilisées pour savoir-faire et savoir-être en anglais ?
Les anglicismes sont : pour savoir faire : hard skills et pour savoir-être :
soft skills.
La frontière entre savoir-faire et savoir-être est-elle toujours bien balisée pour les profils commerciaux ?
Non pas vraiment, il y a souvent une confusion entre compétences et savoir-être au niveau des missions dans une annonce. Il y a d’ailleurs souvent une longue liste de soft skills demandées (autonomie, rigueur, motivation, etc. …) alors que les compétences sont moins mises en avant.
Existe-t-il un référentiel, une liste des savoir-faire et savoir-être pour les profils commerciaux ?
Non il n’y a pas de référentiel à proprement parler mais certains points sont récurrents (motivation, autonomie, organisation, écoute, qualité de service, conscience professionnelle, orientation satisfaction client).
Existe-t-il également un tableau permettant de bien comprendre la différence via des exemples de savoir-faire et de savoir-faire pour des emplois de commerciaux ?
Non plus. En fait la limite est assez étroite et cela ne permet pas d’avoir une grille d’analyse claire. D’autre part, la détection d’un savoir-être est assez subjective ; peut-être que l’on sentira que le candidat est extrêmement motivé, alors que le client aura une perception différente.
Lorsque vous recrutez des profils commerciaux, quelles sont les demandes des entreprises concernant le savoir-faire ?
La plupart des entreprises souhaitent que leurs équipes commerciales maitrisent les techniques de vente à des degrés différents en fonction de la séniorité ou de la spécialité souhaitées. Ce qui est encore plus important pour eux, c’est la connaissance des produits / services, et du secteur d’activité. Dans
les métiers de la vente, les entreprises ont tendance à vouloir recruter le « mouton à 5 pattes », cela les rassure de recruter un candidat qui connait déjà bien les produits, les clients, les canaux de distribution, etc.
Quelles sont leurs demandes également en matière de savoir-être ?
Les soft skills principales sont l’autonomie, l’orientation service client et l’organisation. Cela dépend du niveau d’expérience des candidats. Pour un profil junior, ils vont plutôt attendre que le candidat prouve sa motivation, son autonomie. Pour un profil plus senior, ils vont attendre qu’il soit par exemple, force de proposition, afin de prendre des initiatives plus rapidement et donc de pouvoir s’adapter à ses clients sans attendre l’aval de sa hiérarchie.
Au fil des ans, avez-vous constaté une évolution de ces demandes en savoir-faire et savoir-être pour un poste de commercial ?
Sur un
poste commercial, le savoir-être a toujours été très important mais nous remarquons qu’il l’est de plus en plus. Cela étant dit, le savoir-faire est souvent indispensable pour être en succès sur un poste commercial, notamment à un certain niveau.
Le savoir-faire sur les postes de commerciaux est souvent lié au secteur d’activité. Par exemple, pour un poste de Business Development Manager dans le secteur de la chimie (langage technique très particulier), nos clients vont uniquement chercher des profils issus de ce secteur d’activité, pour une prise de poste efficace et pour un échange effectif avec les différents interlocuteurs (prospects, clients, équipes internes).
Comme mentionné, le savoir-être prend de plus en plus le dessus pour de nombreux postes pour lesquels nous recrutons. Par exemple, nous avons récemment travaillé sur un
poste de Responsable Commercial dans le secteur agroalimentaire. Nous avons été en capacité de présenter une dizaine de candidats pour ce poste, tous venant de secteurs similaires ou proches de celui de notre client. Un de ces candidats cochait toutes les cases en termes de savoir-faire mais la communication « non-verbale » a été un point bloquant pour notre cliente – elle n’adhérait pas au savoir-être du candidat.
Quelles en sont les principales raisons ?
Le poste de commercial est un métier humain. Le savoir-être est primordial pour ce type de profil car la personne est constamment en train de développer du lien et des relations interpersonnelles avec différents interlocuteurs, qu’ils soient internes ou externes à son organisation. Nous-mêmes, en tant que cabinet de recrutement, nous recrutons nos consultants par rapport à leur savoir-être, à leurs valeurs, au ressenti. Nos clients utilisent de plus en plus cette notion de « feeling » qui est essentielle pour projeter un candidat sur un poste.
De la même manière, c’est également un point qui est devenu essentiel pour les candidats qui ont besoin de ressentir une adéquation avec l’entreprise et ses valeurs lors des entretiens pour se projeter sur un poste. Même si le poste semble intéressant, le feeling en entretien avec son futur N+1 ou RH est primordial.
En général, êtes-vous en phase avec vos clients en matière de savoir-faire et savoir-être demandés pour un profil commercial ou est-ce nécessaire parfois de les orienter et mieux les guider ?
Non pas toujours. C’est aussi notre rôle de faire évoluer la vision des clients en fonction de leur besoin – certaines compétences sont transposables, certains secteurs d’activités peuvent être assez proches. Dans l’univers du commerce on raisonne souvent par opposition « produit / service » et par canal de vente « directe / indirecte ». Ainsi nous essayons d’inciter nos clients à ouvrir leurs critères de recherche en prenant un peu de hauteur. Par exemple, un commercial qui vend des produits agroalimentaires via la grande distribution, peut tout à fait être performant dans la vente de matériaux de construction auprès du réseau de négoce. Ici, il s’agit de vente indirecte, via un réseau de distribution dans les deux cas, nous pouvons donc supposer que ce candidat possède déjà le savoir-faire et le savoir-être nécessaire pour performer.
C’est important de s’ouvrir à de nouveaux profils en cette période de pénurie de talents où les candidats sont rares et en position de force.
Les compétences demandées en savoir-faire et en savoir-être sont-elles différentes suivant le poste de commercial recherché ?
Le savoir faire diffère d’un secteur d’activité à l’autre – typologie de client, type de vente (direct, indirect, prescription), etc. Les compétences varient en fonction du type de commercial, surtout que depuis quelques années et notamment dans l’univers « SaaS », les entreprises ont tendance à découper le cycle de vente et donc à créer des commerciaux « hyperspécialisés » : les business developers qui vont se concentrer sur la prospection, les account executive qui vont travailler sur le closing, les
account managers qui vont veiller à la fidélisation et aux ventes additionnelles, les customer success managers qui vont quant à eux être objectivés sur les renouvellements de contrats.
Chacun de ces postes va demander des compétences et qualités très différentes. Les commerciaux dédiés à la prospection et au closing doivent avoir une forte résilience, accepter l’échec et faire du volume pour obtenir des résultats. Tandis que les seconds vont devoir suivre les clients de très près, les fidéliser, être dévoués pour répondre aux problématiques quotidiennes. On dit également qu’ils doivent « maper » le client, c’est-à-dire qu’ils doivent connaitre tous les interlocuteurs, les décideurs, identifier les potentiels « détracteurs » de la solution afin de travailler bien en amont pour que le renouvellement ne soit pas remis en question.
Ces compétences en savoir-faire et savoir-être sont-elles différentes également selon les entreprises et les secteurs d’activité ?
Le savoir-être est bien évidemment différent en fonction du secteur d’activité. Tout d’abord, on ne s’adressera pas aux clients de la même manière selon que l’on soit commercial dans une startup informatique ou dans un grand groupe industriel. C’est aussi pour cela que les clients sont particulièrement exigeants sur le savoir-être des candidats ; c’est pour s’assurer de la bonne connaissance des codes propres à chaque univers professionnel.
Lors de vos entretiens de recrutement, comment procédez-vous pour évaluer les compétences en savoir-faire et savoir-être des candidats qui postulent pour un emploi de commercial ?
Pour évaluer le savoir-faire nous pouvons poser des questions concrètes sur les difficultés rencontrées, leur approche client, leurs résultats, etc. C’est également un point qui sera vérifié par le manager commercial qui recrute pour son équipe car il connait bien son marché et il saura donc rapidement détecter si le candidat a les compétences nécessaires.
Concernant le savoir être, cela se ressent et s’évalue en entretien, grâce à notre expertise. Mais comme cela peut parfois comporter des biais, nous proposons également des tests de personnalité. C’est une solution très pertinente puisqu’elle nous permet également de faire « matcher » le candidat avec le poste visé et même avec son futur manager ! Cet outil peut également permettre à nos clients de prendre conscience que certains candidats peuvent tout à fait avoir les aptitudes nécessaires pour le poste malgré une perception différente ou un doute.
On entend souvent parler de jeu de rôle ou de mise en situation comme l'assessment center par exemple : que pensez-vous de ces techniques d’évaluation et les utilisez-vous pour vos recrutements de profils commerciaux ?
Pour la mise en situation, de nombreuses entreprises demandent aux candidats « en phase finale » de préparer une étude de marché, un business plan, ou d’autres types d’analyses. En effet, cela permet aux candidats de collecter de nombreuses informations et donc d’affiner leurs connaissances sur l’environnement concurrentiel, le positionnement, les produits, et les potentielles difficultés auxquelles ils pourraient faire face. D’un autre côté, pour le client, cela permet d’évaluer la capacité d’analyse, la prise d’initiative, la pertinence des propositions formulées, l’aisance relationnelle. Je trouve que ces mises en situation ont un réel intérêt et que tout le monde en sort gagnant.
Concernant les assessments, nous en organisons ponctuellement pour certains clients. Nous le retrouvons le plus souvent dans le cadre de recrutements sur des profils plutôt juniors et sur des besoins volumiques car la nature de l’exercice nécessite des échanges entre plusieurs candidats pour analyser leurs comportements au sein d’un groupe.
Au niveau de l’entreprise qui recrute, comment arrive-t-elle de son côté à évaluer le savoir-faire et le savoir-être, la personnalité avec la présence de plusieurs interlocuteurs pendant le process de recrutement ?
Les clients font souvent intervenir de nombreux collaborateurs lors des processus de recrutement, c’est pour cela que ces processs peuvent sembler longs, et c’est une réalité. Nous intervenons en première étape et sommes un avis neutre pour nos clients. Le manager côté client va mener un second entretien pour l’expertise technique et le savoir être vis-à-vis de son marché ; ensuite un collaborateur du service RH interviendra pour valider le savoir-être vis-à-vis de l’entreprise ; et parfois même, cela se termine par un échange avec la direction générale qui a les visions hard skills et soft skills.
Comme pour toute décision importante dans la vie d’une entreprise, la concertation est souvent le meilleur moyen pour recruter le bon profil. Ces discussions peuvent donc prendre du temps et allonger le process de recrutement.
Quels conseils donneriez-vous aux candidats en recherche d’un poste de commercial pour faire ressortir sur leur CV leur savoir-faire et leur savoir-être ?
Tout d’abord, je trouve que les CVs les plus simples et clairs sont intéressants car ils nous permettent de lire les compétences ou de relever les similitudes avec le profil recherché très rapidement.
Personnellement, j’apprécie d’avoir les expériences par ordre antéchronologique, car c’est bien souvent là que se trouvent les informations les plus pertinentes ; dans les expériences les plus récentes.
Je trouve également qu’il peut être intéressant de dissocier les compétences clés et le savoir être du corps du CV. Cela peut faire l’objet d’un « paragraphe » à part entière, au même titre que les expériences professionnelles ou la formation.
Quel savoir-être appréciez-vous tout particulièrement de leur part lors de l’entretien de recrutement, le petit plus qui va vous inciter à sélectionner leur candidature pour la suite ?
Personnellement, je trouve qu’un candidat curieux, qui pose de nombreuses questions sur l’environnement, l’ambiance de travail chez le client est le signe d’un véritable intérêt pour le poste.
D’autant plus que pour un profil à dimension commerciale, la phase de découverte avec un client est l’une des compétences clés permettant de bien réussir à closer sa vente.
Finalement, un process de recrutement est assez comparable à un process de vente, les clients et candidats ont des problématiques sur lesquelles ils doivent échanger en profondeur pour démarrer une nouvelle collaboration de travail.
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